Ancien Ambassadeur

Pour lire l’article originale en arabe, cliquez ici

Traduction non publiée

Ainsi était ma participation à la marche du 20 février 2011 

L’un des hauts officiers de sécurité que je connaissais de longue date , et avec qui j’ai toujours entretenu une relation de respect , m’a demandé : « Comment pouvez-vous, en tant qu’ancien ambassadeur de Sa Majesté le Roi, participer à cette Marche révolutionnaire du 20 février ? Si je ne vous connaissais pas depuis plus de trente ans, je vous aurais classé parmi les principaux opposants au régime, d’autant plus que vous êtes le seul ambassadeur, selon mes informations, à avoir participé à cette manifestation».

En guise de réponse ,Je lui ai raconté comment j’avais participé à cette marche historique : « J’étais ce jour-là, qui était un jour de congé, assis avec les membres de ma famille en train de prendre le thé, et soudain j’ai eu l’idée d’aller au centre de la ville de Rabat pour voir ce qui se passait dans ces manifestations et pour regarder de plus près ce que les manifestants revendiquaient , quel était leur nombre et quelles sont leurs affiliations intellectuelles et sociales. Ainsi est ma nature, je veux me rendre compte par moi-même autant que possible de ce qui se passe et ne pas me contenter de me baser sur ce que j’entends.

J’ai vu des jeunes à la fleur de l’âge, des personnes âgées et des femmes de tous âges et de tous milieux sociaux crier leur rejet de l’injustice et de la corruption, leur opposition au népotisme et, a la collusion entre l’argent et le pouvoir, exigeant plus de justice sociale et réclamant la fin de l’économie de rente, dans le cadre d un État de droit.

Alors que je lisais les panneaux et écoutais les slogans, je n’avais trouvé personne appelant à un changement de régime, comme cela s’était produit en Tunisie et dans d’autres pays arabes, mais seulement des manifestants qui dénonçaient les actes de corruption et d injuste sociale.

Sans me rendre compte, je me suis trouvé spontanément parmi la foule répétant leurs slogans et à m’enthousiasmant pour leurs revendications, réclamant ainsi, ce que j’ai passé ma vie à défendre depuis l’intérieur des rouages de l’État sans résultats satisfaisants.

Je lui avais dit à la fin de mon propos: « Et vous qui êtes un haut responsable de d’État, s il arrive que vous rencontriez un groupe de citoyens protestant contre la corruption et réclamant plus de justice, allez-vous rester à l’écart d’eux ou les rejoindre et les soutenir? »
La lutte contre la corruption est-elle officiellement ou non à la tête des objectifs de l’État?
Le silence de mon ami s’est prolongé et j’ai presque entendu son silence crier avec force comme s’il voulait dire: « Assez de corruption, assez de deux poids, deux mesures, assez de fonctionner avec la pensée et les vieilles traditions du makhzen au lieu de respecter les lois et de les appliquer de manière égale entre tous les citoyens. »

Je suis convaincu que le Mouvement du 20 février a été un mouvement béni et qui a sans doute constitué un tournant positif dans l’histoire contemporaine de notre pays. C’est ce mouvement spontané et apolitique qui a provoqué les importants amendements constitutionnels proposés sans tarder par SM malgré leurs lacunes , autorisant des élections saines sans que l’État n’ait à manipuler les résultats comme il avait l’habitude de faire depuis des décennies.

On peut dire que ces élections sont les premières dans l’histoire moderne du Maroc à avoir abouti à la sélection spontanée par la population de personnes qui les représentent sans ingérence ni implication de l’autorité, même si ce choix ne correspondait pas aux vœux et désirs de nombreuses élites qu avaient l’habitude de gérer les affaires publiques et ceux qui s accommodaient aux désirâtes du Maghzen.
Mais ainsi est le prix de la liberté de choix

Driss Kettani
Ancien ambassadeur